LETTRE DE LA FÉDÉRATION DES CÉGEPS AU MEES

Monsieur le Ministre,

Au nom des directions générales des cégeps, je vous écris afin de faire le point sur l’état de la

situation dans le réseau collégial.

Conscientes des efforts extraordinaires que tous les acteurs de la société québécoise sont appelés à déployer face à la crise, les directions générales des cégeps et leurs équipes travaillent d’arrache-pied afin de répondre à la demande du gouvernement concernant la reprise, à compter du 30 mars, des activités éducatives à distance des collèges.

Cependant, je me dois de vous signaler que cette reprise des activités suscite énormément d’appréhension de la part de nos étudiants et de notre personnel puisque le réseau collégial, contrairement aux universités et aux commissions scolaires, est constitué de petites organisations disposant de moyens limités. Avant leur fermeture, les cégeps en étaient par ailleurs à la moitié environ de la session d’hiver 2020, ce qui constitue un autre élément qui distingue les collèges des universités et des commissions scolaires.

Pour ces raisons, mais également parce que le réseau collégial offre plus de cent programmes techniques, dont plusieurs dans le domaine de la santé, est constitué de 100 points de services sur l’ensemble du territoire, et doit composer avec des équipements informatiques qui ne sont pas à la hauteur des besoins ainsi qu’avec des accès Internet très limités dans certaines régions, nous sommes forcés de conclure que, dans le secteur de l’éducation, c’est le réseau collégial qui est confronté aux plus grands défis en matière de poursuite de ses activités.

Nous comprenons évidemment que la situation évolue à un rythme infernal et que personne n’est en mesure de prévoir ce que demain nous réserve. Cependant, il nous apparaît important, dans ce contexte changeant, de vous rappeler les principes qui guident le réseau collégial et les enjeux auxquels il fait face, des enjeux qui menacent la reconnaissance nationale de nos diplômes.

Avant de poursuivre, Monsieur le Ministre, je tiens à vous réitérer l’engagement des directions des cégeps qui travaillent sans relâche depuis l’interruption de la session pour préparer la reprise des cours afin de sauver la session et de diplômer le plus grand nombre possible de jeunes, considérant les besoins de main-d’œuvre qualifiée au Québec. Et, malgré toutes les embûches, les enseignants et les étudiants sont aussi largement mobilisés face à l’objectif.

Cependant,  cette  mobilisation  est  fragile  et  s’étiole  rapidement  lorsque  des  messages contradictoires sont envoyés. Ce qui est malheureusement le cas des dernières directives reçues hier, qui véhiculent des informations dissonantes quant à l’usage de la mention d’équivalence, ce qui vient rendre plus difficile cette mobilisation des enseignants. D’autant plus que, jusque-là, les assouplissements accordés en lien avec plusieurs articles du RREC, concernant cette mention d’équivalence notamment, avaient permis aux collèges de travailler avec leur équipe à redéfinir les modalités liées aux activités d’apprentissage, pour en assurer la réalisation. À la lueur des nouvelles directives, ce travail apparaît aujourd’hui dénué de portée.

Par ailleurs, les collèges travaillent depuis plusieurs jours à déterminer les moyens alternatifs nécessaires pour permettre la tenue à distance des activités d’apprentissage. Or, la nouvelle directive limitant la récupération du matériel pédagogique dans les établissements, notamment les ordinateurs des étudiants, rend cette approche extrêmement difficile à mettre en œuvre. Je me permettrais d’ajouter, Monsieur le Ministre, qu’en retirant ainsi aux étudiants la possibilité de récupérer le matériel essentiel à la poursuite de leurs études, nous sommes assurés de créer de l’iniquité au sein de la population étudiante des cégeps, à la grandeur du territoire.

Face à l’accroissement rapide des nouvelles contraintes, les cégeps souhaitent par conséquent vous signifier que leur capacité à poursuivre la formation par des modes alternatifs, à évaluer les étudiants avec souplesse, mais également avec équité, et à fournir une sanction à la suite de la présente session d’études, est extrêmement réduite.

Il vous appartient évidemment de décider de la suite des choses, Monsieur le Ministre, mais pour assurer l’intégralité de la qualité de la formation que nous offrons, il est de notre devoir de vous sensibiliser au fait que des contraintes additionnelles doivent impérativement être discutées avant d’être annoncées, si l’on souhaite trouver des voies de passage qui permettront de compléter la session. Il est tout aussi impératif, à cet égard, que le comité de liaison mis en place par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur puisse voir venir les difficultés additionnelles, discuter des avenues de solution et agir de manière à mettre en place le soutien nécessaire aux collèges et ainsi éviter une situation grave d’iniquité entre les étudiants.

La mise en œuvre et la recommandation de l’émission de la sanction sont de la responsabilité des établissements de notre réseau. Dans cet esprit, il nous apparaît également de notre devoir de vous aviser lorsque les circonstances rendront impossible la garantie d’une équité et d’une évaluation adéquate de l’atteinte des compétences. Dans l’état actuel des choses, cette éventualité nous semble proche.


Version originale de la lettre

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